HOMÉLIE DU DIMANCHE 23 AOUT 2020
À L’ISLE JOURDAIN
De Moïz RASIWALA
Frères et sœurs,
Je voudrai aujourd’hui me concentrer sur l’évangile avec la confession bouleversante de Pierre, lui l’impulsif et l’impétueux. Dans sa bouche, la confession est d’autant plus émouvante. Mais regardons les choses en détail.
Jésus est à un moment crucial de son ministère, où il est obligé de poser la question du regard d’autrui sur lui, et au-delà celle de notre propre regard : Pour vous qui suis-je ? Question qu’on se pose depuis des siècles, et que nous aussi, nous nous posons depuis des siècles. Jésus est-il un faiseur de miracles, un magicien thaumaturge ? Quelle place lui réservons-nous dans notre for intérieur ?
L’importance de l’entretien est soulignée, parce qu’il a eu lieu dans la lointaine Césarée-de-Philippe, à 40 kms au nord de la mer de Galilée.
Plusieurs sources baignent le lieu ainsi qu’une cascade. Sa fertilité fait qu’il a été sanctuaire de plusieurs religions antiques, notamment dédiées au dieu Pan. Dans ce lieu lointain, loin aussi des yeux inquisiteurs de Hérode, Jésus pose deux questions distinctes aux apôtres. « Que dit-on ? » et « Que dites-vous ? » Les évangiles soulignent que la foule « s’étonnait » de l’enseignement de Jésus et « du bien qu’il faisait » aux gens. Alors les conversations vont de bon train : il est Jean-Baptiste ressuscité, il est Elie...
etc. En fait, depuis vingt siècles, nous nous posons la même question, qui est Jésus ? Les disciples sont confrontés au quotidien au mystère de sa personne, il leur a révélé le sens de beaucoup des paraboles qu’il prononce. Et maintenant c’est l’heure décisive de confesser leur foi : pour vous qui suis-je ?
Pierre répond vite : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant. » Et Jésus de le proclamer « heureux ». C’est étonnant, parce que juste avant, Jésus a remis vertement Pierre à sa place : « Arrière de moi, Satan ». Nous sommes étonnés aussi par le rôle unique donné à Pierre. Reconnaître en Jésus non plus un prophète, mais le Fils de Dieu, ne peut venir que d’une foi, foi qui est don de Dieu. Matthieu de nous dit-il pas que : « nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père ». Saint Paul déclare : « Personne ne peut dire : Jésus est
le Seigneur, si l’Esprit Saint ne l’inspire ».
Toute l’Eglise apostolique reconnaît que la divinité de Jésus-Christ est un mystère de la foi, inaccessible à la seule sagesse humaine, aux hommes naturels que nous sommes. Jésus dit, en terme hébraïques : « ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est au cieux ». Jésus fait une grande grâce à Pierre, en l’appelant « heureux ». Au moment où il fait cette confession de foi, c’est Dieu lui-même qui parle
par sa bouche. Jésus appelle Simon par son nom araméen : « Simon Bar Jona » (fils de Jona) et lui donne un nouveau nom : « Képha » qui signifie « roc » ou « pierre ». Simon, le disciple, fluctuant, sera néanmoins le « roc » sur lequel Dieu bâtira une communauté nouvelle. Jésus sait les faiblesses de Pierre, mais lui confie néanmoins, le soin de ses frères. Nous croyons bien qu’il est question de Pierre, individuellement. Le texte ne nous dit pas que Pierre a eu un mérite particulier, mais sa foi est exacte, parce qu’elle vient d’une révélation divine. Ce ministère confié à Pierre, selon Matthieu est-il transmissible ? Nous laissons la question aux théologiens de différentes confessions. Pour les catholiques, on répond franchement par l’affirmatif.
Nous rencontrons dans cet évangile pour la première fois le terme « Eglise » (ecclesia). Il n’apparaît qu’une autre fois chez Matthieu, et il est totalement absent des autres. Beaucoup d’exégètes considèrent qu’il s’agit d’un rajout tardif dans l’évangile de Matthieu. Mais ce qui ressort clairement de tout l’évangile est que Jésus a voulu rassembler autour de luis une communauté « messianique ». Le choix des douze le prouve. Ce qui est clair aussi, c’est que Pierre est reconnu comme chef, de cette
nouvelle assemblée. Jésus promet à son Eglise que les puissances de la Mort ne l’emporteront pas sur elle. L’Eglise est ouverte à ceux qui recevront la parole, parole qui
a le pouvoir de « délier » les hommes des liens du péché. Jésus enjoint en outre « le secret messianique », de dire aux autres son identité. Ceci parce que « son heure n’est pas encore venu. Les disciples n’ont encore rien compris des souffrances du « serviteur ». Nous retrouvons l’expression « lier » et délier » aussi dans la première lecture du prophète Isaïe : Parlant d’Eliakim, le Seigneur dit : « je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David : s’il ouvre, personne n’ouvrira, s’il ferme, personne n’ouvrira. » N’est-ce pas étrange, que des siècles avant le Christ, Isaïe ait dit la même chose que le Christ. Pour nous, cela rien d’étonnant, David est le roi d’Israël, choisi par Dieu. Il est figure
christique, vicaire de Dieu, et, pour nous, aussi vicaire du Christ. Son règne est signe du règne de Dieu sur le monde entier. Les clés sont un symbole de l’autorité que Dieu lui avait déjà donné, et qui, par transposition, repose maintenant sur Eliakim. Puisse Dieu nous tenir ouvert les portes du Royaume.
Amen.
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