Chers amis,
Voici l'homélie de notre diacre Pascal Laborie pour le 5ème Dimanche de Carême : 29 Mars 2020.
HOMELIE : 5ème Dimanche Carême A (Dimanche 29 Mars 2020) en confinement
Dans les Evangiles (et dans ce passage en particulier) la foi en Jésus semble aller de pair avec le miracle. En certains endroits, la foi précède le miracle : « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jn 11, 40). En d’autres, la foi suit le miracle : « Beaucoup de Juifs qui avaient vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui » (Jn 11, 45). Il y a donc finalement deux sortes de foi. Et puisqu’il y a deux sortes de foi, il y a deux sortes de croyants.
Il y a ceux qui ont besoin de miracles pour la croire : c’est ici cette foule qui se presse autour de Jésus. Et il y a ceux à qui la foi suffit pour voir le miracle : les proches de Jésus, ses disciples, ses amis intimes.
C’est de ces derniers, les intimes, dont Jésus a maintenant besoin alors que sa Pâque approche et qu’il va nous donner un signe inouï de tout ce qui va suivre. Ce signe, c’est le signe de la mort et de la vie, des ténèbres et de la lumière, le signe d’un échec sans espoir et d’un rebondissement inespéré, d’une détresse sans fond et d’une joie sans fin. C’est le signe de Pâques.
Ce signe, il n’y a que les plus proches de Jésus qui puissent le voir, le comprendre, le saisir. Voilà pourquoi il a besoin d’eux : Jean, l’évangéliste qui se nomme lui-même « le disciple que Jésus aimait » (Jn 13, 23 & Jn 19, 26 & Jn 20, 2 & Jn 21, 7 & Jn 21, 20), y insiste et il sait à quel point Jésus aimait Lazare et ses deux sœurs : « Seigneur, celui que tu aimes est malade » (Jn 11, 3) / « Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare » (Jn 11, 5) / « Lazare, notre ami, s’est endormi » (Jn 11, 11) / « Voyez comme il l’aimait ! » (Jn 11, 35).
Pourquoi ces intimes autour de Jésus ? Parce qu’il les a aimés, le premier. En retour, il ne leur demande qu’une seule chose : avoir la foi. Et leur façon de rendre à Jésus un peu de l’amour qu’il a eu pour eux, c’est de croire, de lui faire confiance sans condition. Car ici, il s’agit d’avoir l’humilité de se laisser conduire sans prétendre savoir. La foi n’est pas une affaire de raisonnement, elle ne se démontre pas, elle ne vient pas au terme d’une enquête. Elle vient d’une attitude bien différente : se livrer, comme un enfant au milieu des épreuves et des succès, des doutes et des certitudes, des peines et des joies… avoir confiance, tout simplement…
Et dans la période que nous traversons, confinés et pour certains terrorisés par ce diabolique virus, faire confiance au Seigneur vainqueur des ténèbres ce n’est pas rien alors que la question de la grande épreuve que constitue la mort, la nôtre comme celle d’un proche vient nous percuter de plein fouet. Oui, la foi est alors questionnée et peut être ébranlée… et alors seule la foi des intimes de Jésus permet le miracle : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » (Jn 11, 25). C’est dire que l’amour de Jésus pour nous, amour qui est premier, crée un lien qu’il ne peut renier, un lien de vie, un lien plus fort que la mort.
Être proche de Jésus, être dans son intimité, c’est recevoir de lui cette vie pour appartenir désormais à sa propre vie. Toute le reste (y compris la mort corporelle à laquelle on pense davantage ces temps-ci) devient dérisoire : « Quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jn 11, 26).
La force de l’amour de Jésus pour les siens mais aussi la force de notre foi en lui si nous le laissons faire, est tout aussi immense qu’incroyable. Ainsi, Lazare, l’ami de Jésus, est tellement à l’image de Jésus qu’en lui la vie de Jésus survivra à la mort corporelle. Mais ceci nous dit encore que celui qui vit de Jésus, qui lui appartient, est totalement acquis à la vie.
Paul, dans la deuxième lecture, pousse encore plus loin l’image de l’amitié entre Jésus et le croyant. Celui qui croit est habité par Jésus et animé du même souffle que lui, l’Esprit : « vous êtes sous l’emprise de l’Esprit » (Rm 8, 9). Voilà ce qui conditionne l’appartenance à Jésus : « Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, votre corps est voué à la mort… mais l’Esprit vous fait vivre… Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps… par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8, 10-11).
Et Jésus, toujours, nous invite à devenir ses amis. Nous sommes interpellés par son amour, animés par son Esprit. Nous sommes appelés par la foi de notre Baptême, par la force de l’Eucharistie qui construit l’Eglise. Et même si, en ce moment historique, nous sommes privés du repas du Seigneur, c’est toujours « la communion de désir » que nous partageons, en union avec tant de frères et de sœurs partout sur notre monde souffrant, qui nous rapproche de Jésus.
Alors, nous n’avons plus besoin de miracle pour croire. Nous sommes nous-mêmes (ou devrions devenir) dans une société malade, anxieuse, oppressante (voire divisée, désorientée ou haineuse) ce miracle ou plutôt ce signe de Dieu ; un signe que l’Esprit déploie dans le monde pour témoigner que Jésus est toujours vivant ; un signe qui nous dit que Jésus est la résurrection et la vie ; un signe qui nous rappelle que par le Baptême, nous appartenons au Christ et que déjà nous sommes passés de la mort à la vie, car il nous aime, qu’il est fidèle, miséricordieux et qu’il est, Lui, la Vie… et qu’« il la donne en abondance » (Jn 10,10).
Mais attention, à partir de là, le monde a bien le droit de se demander si nous avons vraiment l’air de ressuscités. Non seulement il en a le droit mais il nous rend ce service en nous demandant d’être ce que nous disons être : des amis de Jésus. C’est bien normal, nous qui avons souvent tendance à juger notre monde sans trop de scrupules. Pourtant, mon Dieu qu’il est difficile d’encaisser la critique comme si nous étions déjà dans la Gloire, parfaits et intouchables.
Ah ! si nous pouvions croire ?
Il suffit de croire : « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu… » (Jn 11, 40).
Il suffirait que nous nous livrions à l’amour de Jésus !
Dans le confinement et l’épreuve cette réflexion raisonne soudainement avec encore plus de force qu’à l’accoutumée. Même si nous tombons malade, même si nous souffrons, même si nos proches sont affectés… Même si nous sommes appelés à mourir comme Lazare, nous ou nos chers, rien ne conduit à la mort définitive puisque le sens-même de notre mort est d’entrer dans la Gloire de Dieu qui nous promet la vie dans la Résurrection de Jésus.
Puissions-nous croire de cette foi de l’ami qui, sans le chercher le moins du monde, provoque le miracle : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu… » (Jn 11, 40). Amen.
Comments